À l’écoute des saisons : la transmission vivante des traditions à Branville-Hague

24/09/2025

Les fêtes du village : rites renouvelés et instants d’union

Toutes les saisons ont leur manière de rassembler à Branville-Hague. Loin d’une suite figée de coutumes, les rendez-vous collectifs sont l’occasion de faire vivre autrement la mémoire commune. Ils évoluent, se réinventent, glissent d’un siècle à l’autre en puisant leur force dans la convivialité et le goût du partage.

Des rendez-vous qui ponctuent l’année

  • La Fête Saint-Aubin : Épicentre du calendrier villageois, mi-février, elle rassemble familles et amis autour d’un repas de ragoût traditionnel et d’une veillée de musiques normandes. Certains anciens se souviennent encore – c’était il y a vingt ans à peine – des concours de bourrée au son de l’accordéon.
  • Le passage du Carnaval : Les enfants défilent, déguisés, jusque dans les petites rues, ressuscitant la vieille coutume du charivari, jadis destinée à fêter la fin de l’hiver et à chasser les mauvais esprits.
  • Le marché d’automne : C’est moins un marché que le théâtre d’échanges cruciaux : confitures, cidre, pommes, bottes d’herbes marines. Beaucoup de discussions se nouent là, entre producteurs locaux et familles.
  • Les veillées contées à la médiathèque de Vauville : Bien que plus récentes, ces soirées perpétuent l’habitude du conte autour de la table, où se croisent légendes des marais, souvenirs d’enfance et histoires vraies – sources : lahague.com

Des rituels en mutation

Parfois, certaines traditions semblait promises à se taire : la fête du pain au four communal, tombée en sommeil au début des années 2000 en raison de la fermeture du four, a trouvé une nouvelle vie avec le renouveau de la boulangerie associative à Biville – preuve qu’une tradition peut sauter de hameau en hameau sans perdre son âme.

Savoir-faire et patrimoine : des gestes quotidiens à la préservation des pierres

Branville-Hague rend hommage à ceux qui savent faire, parfois sans bruit mais avec exigence. Ici, les gestes sont mémoire : ils ancrent l’histoire tout en préparant demain.

L’art de la pierre et du bocage

  • Les murets de pierres sèches : Typiques du Cotentin, les murs en schiste sont entretenus par des bénévoles et agriculteurs. Une étude menée par l’association Pierres en scène estime à plus de 200 km la longueur cumulée de ces clôtures entre Vauville, Branville et Auderville. Des stages, organisés chaque été, initient les plus jeunes à cet art discret – près de 30 nouveaux volontaires formés en 2023.
  • Le respect des haies : Symbole du bocage, la haie mêle utilité (protection du bétail du vent, réservoir de biodiversité) et tradition : chaque coupe à la main, chaque bouture partagée entre voisins signe l’importance du collectif. Aujourd’hui, la CPIE du Cotentin fédère des chantiers participatifs qui attirent des habitants de tous âges.

Savoirs partagés, métiers transmis

  • La poterie locale : Encore pratiquée sur quelques fermes, notamment à Siouville-Hague, elle revient au goût du jour grâce à l’engagement de jeunes créateurs lors de marchés artisanaux de proximité.
  • Les métiers de la mer : Les quelques pêcheurs côtiers de Goury, proches voisins, transmettent à leurs enfants l’art de la bisquine et du filet droit. Le Musée Maritime de la Hague, à Omonville-la-Rogue, recueille et expose les objets liés à ce patrimoine vivant. (source : Musées de Normandie)

La transmission par l’école et l’association

  • Ateliers patrimoine à l’école primaire : Depuis 2016, ces interventions mobilisent plus de 80 enfants par an autour du patrimoine local : construction de cadrans solaires, jeu autour des fermes anciennes, rencontres avec des anciens du village.
  • L’association Les Amis de Branville : Elle recense les anciens métiers (tanneur, sabotier, meuniers aujourd’hui disparus), rassemble des archives et anime des visites aux scolaires chaque printemps.

La mémoire orale : récits, contes et passation des histoires

Il est des traces qui ne s’écrivent pas : elles se murmurent, se répètent, de table en table, de banc en banc, lors des balades au retour des champs. La parole est l’un des piliers de la transmission locale.

Les conteurs et les anciens : gardiens des légendes

  • Rencontres de banc : Dans les années 1970, chaque banc devant la mairie ou l’église était le théâtre de discussions. Aujourd’hui, quelques habitants continuent de s’y retrouver, le dimanche après la messe, pour partager souvenirs de la commune et anecdotes sur le passé.
  • Çauseries à la salle des fêtes : Pendant l’hiver, des après-midis sont consacrés aux « paroles d’anciens ». Chacun propose une anecdote sur le passé agricole, la guerre, ou les grandes tempêtes de la Hague (notamment celle de février 1987, qui reste gravée dans les mémoires).
  • Ateliers collectes de mémoire : Depuis 2021, l’initiative « Mémoire de nos chemins » a permis de récolter près de cinquante témoignages audio sur la façon dont on vivait et se déplaçait autrefois à Branville. Ces documents sont conservés au Centre Culturel de la Hague (source : Chemins de la mémoire, 2023).

La langue normande : bribes et reflets d’un dialecte ancien

Si le parler normand (et son accent si reconnaissable) est moins présent chez les jeunes générations, certains mots survivent dans les familles (« goussetter » pour s’amuser, « pichoun » pour petit enfant). Le Costentinien, variante locale, a été enseigné jusqu’au début du XXe siècle dans certaines écoles, et fait l’objet aujourd’hui de stages ponctuels rassemblant une dizaine de participants sur la commune et ses voisines (source : Atlas du Normand).

La cuisine de la Hague : des repas partagés, un patrimoine gourmand

La tradition se perpétue aussi et surtout par le goût. Cuisine simple, inventive, peu onéreuse mais pleine de personnalité : la table est le lieu de toutes les transmissions.

  • Le ragoût de mouton aux légumes d’hiver : Plat central lors des fêtes, souvent agrémenté de navets ou de pommes de terre « Bintje » locales.
  • La teurgoule : Riz cuit longuement au lait et à la cannelle, dessert typique que les grands-mères apprennent à préparer aux petits-enfants, souvent servi lors des concours de pâtisseries.
  • Le beurre et le cidre fermier : Fabrication artisanale dans quelques exploitations familiales – près de 15 producteurs recensés cette année sur la Hague (source : Chambre d’Agriculture de la Manche).
  • La soupe de poisson, façon Goury : Préparée à partir des restes de pêche, c'est un plat « collectif », servi lors des veillées ou des fêtes de retour de mer.

Le marché de Siouville-Hague propose chaque automne un concours de confitures et un atelier « pains du bocage », où l’on réapprend le pétrissage à l’ancienne, souvent sous la houlette d’un boulanger retraité.

Entre adaptation et transmission : les défis d’aujourd’hui

La transmission des traditions à Branville-Hague est un équilibre délicat : préserver sans fossiliser. Plusieurs enjeux animent aujourd’hui les habitants et associations locales.

  • Nouveaux habitants, nouvelles dynamiques : L’arrivée de familles venues d’ailleurs invite à inventer des formes renouvelées de convivialité : potagers partagés, chantiers botaniques, initiation au patois lors de l’accueil des nouveaux résidents.
  • La jeunesse et le numérique : Les réseaux sociaux deviennent des relais inattendus. La page Facebook de « Vivre la Hague Autrement » rassemble maintenant plus de 1000 abonnés et valorise événements, recettes, portraits d’anciens et images d’archives.
  • Le tourisme de passage : L’ouverture aux visiteurs fortifie la mémoire locale : balades guidées, ateliers découvertes, podcasts valorisant les histoires du cru (source : lahague.com).
  • L’évolution du paysage rural : Les mutations agricoles appellent à inventer de nouveaux liens entre paysages entretenus (haies, murets) et pratiques écologiques, sans rompre le fil du passé.

À l’écoute du vent, à la veille du futur

Branville-Hague, comme l’ensemble de la Hague, multiplie les attentions : célébrer le présent, retrouver les anecdotes, transmettre les façons de faire, garder vivantes les traces du passé sans en faire un musée. Les traditions respirent au fil de l’année, dans la lumière pâle de l’hiver, sur les chemins creux du printemps, dans le parfum du cidre nouveau. Elles invitent à la rencontre et à la curiosité, ouvrant sans cesse la porte à ceux qui veulent écouter, apprendre, puis à leur tour, inventer la suite de l’histoire.

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