Entre cailloux et embruns : marcher le Sentier des Douaniers de Goury à Vauville

31/10/2025

Marcher au bord du monde : naissance et histoire du Sentier

Il y a, dans la Hague, une lumière qui joue avec les rochers ronds, une laideur brute que les vagues effritent sans relâche, quelque chose d’indomptable. Entre Goury et Vauville, la nature a gardé cette rudesse, et l’homme, bien plus tard, a tracé un chemin : le GR223, connu localement comme le Sentier des Douaniers.

Ce sentier longe la falaise, né au XIXe siècle pour surveiller les côtes et contenir contrefaçons et naufrages renfloués en douce. Les douaniers, bardés de képis, arpentaient ces terres, guettant la silhouette d’un bateau suspect ou l’ombre d’un canot à la dérive. Aujourd’hui, les randonneurs reprennent la suite, captant à chaque pas l’écho de ces passés troubles.

  • 27 kilomètres environ pour relier Goury (commune d’Auderville) à Vauville
  • 5 à 7 heures de marche selon l’allure et les pauses
  • Une côte classée Zone Natura 2000 et Espace Remarquable du Patrimoine Naturel normand (Cotentin Unique)

L’itinéraire : un pas, un paysage

De Goury au Nez de Jobourg : l’appel du large

Au départ du petit port de Goury, tout paraît battu vent. Ici, la station de sauvetage, l’une des plus exposées de France, guette les furieux remous du raz Blanchard, réputé pour être l’un des plus puissants d’Europe. Les phares balisent l’horizon, et si vous avez l’œil, vous apercevrez peut-être le Phare de la Hague cerclant la mer à 800 mètres du rivage.

  • Fun fact : Le raz Blanchard connaît des courants de 12 nœuds, pouvant atteindre près de 20 km/h en pointe (France 3 Normandie).
  • À voir : Les murets de pierre sèche, témoin du labeur agricole, meurtris mais tenaces.

On avance, les sabots crottés parfois, sur les hauts de falaise ourlés d’ajoncs et de bruyère, direction le Nez de Jobourg, cette excroissance minérale de 128 mètres au-dessus de la mer, classée parmi les plus hautes falaises d’Europe continentale.

  • Le Nez de Jobourg : Par temps dégagé, l’île Anglo-Normande d’Aurigny fait des clins d’œil à l’horizon.
  • Ses grottes marines, dont la plus célèbre, la « Grotte aux Lions », n’est accessible qu’à marée basse et par la mer (Cotentin Histoire).

De Jobourg à Herqueville : landes et silence

Descendre vers Herqueville, c’est entrer dans un morceau de Hague méconnu, pétri de silence et de ciels changeants. Ici, pas de route, à peine quelques sentiers. La lande décline sa palette de verts, de jaunes, de bruns selon la saison. On traverse parfois des troupeaux de vaches blondes, la tête penchée sur des ronces ; il arrive qu’un busard cendré plane, seul, entre deux bourrasques.

  • Petite flore : Cystise, genêt, armérie maritime piquent le regard au printemps.
  • Un détour par Herqueville permet d’apercevoir, en retrait, l’impressionnante falaise des Grattes (jusqu’à 100 m de hauteur).

Herqueville à Vauville : de la brume à la dune

À mesure que le sentier perd de l’altitude, le paysage change de texture. On quitte les cailloux pour l’herbe grasse des pâtures, puis soudain les bouquets d’aubépines laissent place aux pins maritimes et à la longue dune de Vauville. Là, l’étang, classé réserve ornithologique, bruisse du vol rapide des sternes et du cri rauque des foulques. La tourbière accueille même la rare drosera, une plante carnivore.

  • La réserve naturelle de Vauville : Plus de 330 espèces végétales recensées (Réserve naturelle de Vauville).
  • Le sentier file jusqu’à l’orée du Jardin botanique, dont les palmiers bravent les embruns depuis 1947.

Rencontres et petits secrets du chemin

Les pierres qui parlent : patrimoine discret

  • Port Racine, le plus petit port de France (250 m²), vestige d’abri à goélette et à bateau-passeur pour Aurigny (Manche Tourisme).
  • Failles dans le granit où le braconnage du sel et de l’alcool se devinait autrefois la nuit.
  • Pierres gravées de croix sur certains talus, mémoire d’anciens procès ou simples repères viaires.

Gens du sentier : garder l’œil et la mémoire

  • Rencontres marquantes : pêcheurs côtiers installant leurs filets à la marée, éleveurs ouvrant les barrières pour les vaches, bénévoles nettoyant la laisse de mer à l’automne.
  • Anecdote : Le « garde-champêtre volant » Jules Lefèvre, figure locale du début du XXe siècle, connu pour n’avoir jamais manqué une patrouille entre Goury et Vauville, accumulant plus de 40 000 km à pied en vingt ans (source : archives municipales d’Auderville, consultées en 2021).

Les temps forts du calendrier : balades et rendez-vous

  • Fête du Phare de Goury : tous les deux ans en juin, visites, expositions photo, collecte de témoignages d’anciens sauveteurs (prochaine édition : juin 2025).
  • Nettoyage des plages et sentiers : organisé chaque printemps par l’association Cotentin Trekking, ouvert à toutes et tous (renseignements via la page événements Cotentin Trekking).
  • Sortie nature « Oiseaux du littoral » au marais de Vauville, guidée par la LPO (Ligue pour la protection des oiseaux), plusieurs dates d’avril à octobre, à réserver sur LPO Normandie.

Balade guidée : repères, conseils et précautions

Préparer sa marche : conseils pratiques

  • Parcours : Tracé le long du GR 223 (balisage blanc/rouge). Possibilité de scinder le tronçon en deux (Goury-Jobourg puis Jobourg-Vauville), navette possible avec la ligne 300 du réseau Cap Cotentin (horaires flexibles selon saison).
  • Équipement : Chaussures de randonnée conseillées (passages humides, pierres glissantes). Coupe-vent ou vêtement de pluie : météo changeante, rafales fréquentes.
  • Carte IGN 1210 OT Cherbourg / Cap de la Hague, indispensable en cas de brouillard imprévu.
  • Attention : certains passages de falaise sont escarpés, à éviter par grand vent ou en cas de dégradation du sentier.
  • Eau et vivres : Peu de points de ravitaillement sur le parcours, prévoir 1,5 l d’eau par personne et un encas solide.

Respect de la nature, quelques gestes

  • En période de nidification (avril-juin), rester sur le sentier balisé : l’alouette lulu et le pipit maritime nichent à même le sol.
  • Pas de cueillette des plantes rares, notamment la drosera à Vauville ; certaines espèces sont protégées régionalement.
  • Ramener ses déchets, ne pas perturber le bétail, refermer derrière soi les clôtures manuelles.

Idées d’étapes et pauses gourmandes

  • Bar-resto « La Renommée » à Goury (testé et plébiscité pour son agneau de pré-salé).
  • Table d’hôtes à Jobourg (sur réservation, Les Hôtes de la Presqu’île), produits locaux, vue panoramique.
  • Marché de Vauville : le samedi matin en été, fruits de mer, cidre fermier, pâtisseries à la rhubarbe du coin.

Entre ciel et lande, une expérience à soi

Marcher de Goury à Vauville, c’est traverser la Hague dans sa version la plus âpre, la plus libre aussi. Loin des itinéraires balisés pour la foule, ici, chaque détour de sentier éveille une surprise : un pan d’histoire à déchiffrer, une nature à humer, un silence à habiter. À qui prend le temps de regarder loin, le sentier offre un condensé du Cotentin – rude et lumineux, battu par le vent, mais infiniment vivant.

Alors, au prochain rayon de soleil, ou même sous la bruine battante, sachez que le sentier ne se raconte jamais aussi bien que par le pas qui s’y aventure.

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