Quand Branville-Hague fait battre le cœur de la commune : une histoire vibrante de la fête communale

16/09/2025

Racines et premiers éclats : la naissance d’un rendez-vous villageois

Les premiers échos de la fête communale de Branville-Hague remontent au XIX siècle, à une époque où l’agriculture rythme les vies et les saisons. Les archives départementales, consultées par les passionnés de l’Association Mémoire de la Hague, mentionnent dès 1873 une « assemblée de Branville », organisée autour du 3 dimanche de juillet (Archives départementales de la Manche). Le calendrier paysan détermine alors la « date utile » : après la fenaison, juste avant la moisson, la Fête, c’est le souffle entre deux labeurs.

À l’origine, la fête prolonge la tradition des assemblées paroissiales : un office, suivi de la bénédiction des récoltes dans l’église Saint-Pierre, puis le rassemblement au cœur du village. Les entremets du repas du midi — veau, agneau du coin, tarte aux pommes — flottent encore dans certains souvenirs recueillis auprès de doyens de Branville, tel M. Lebas (92 ans), qui se rappelle : « La première fois que j’y ai été, c’était la fête pour mon baptême, ça remonte à 1934 ! ».

Des manèges aux bals sous les pommiers : l’évolution festive

Dans les années 1920-1950, les kermesses, loteries et bals populaires s’imposent. Le manège forain — parfois une simple piste pour chevaux de bois, montée sur une charrette — attire petits et grands. La fête devient chaque été le point d’ancrage, le moment attendu où se croisent plusieurs générations, familles dispersées, voisins, anciens exilés de retour au village.

Quelques chiffres résument l’ampleur de l’événement dans l’entre-deux-guerres (source : « Mémoire de la Hague », recueil 1989) :

  • Entre 300 et 400 visiteurs lors de la fête, soit plus que la population permanente du village à l’époque (estimée à 180 habitants en 1936, INSEE).
  • Jusqu’à 8 stands de tir et jeux d’adresse installés sur la place principale.
  • Des bals sous tente attirant parfois des musiciens venus de Cherbourg, comme les frères Gallet, accordéonistes réputés.

Après la Seconde Guerre mondiale, le format évolue : des loteries au profit des écoles, la venue épisodique de la fête foraine, et la grande course cycliste des jeunes de Branville et des villages alentours, dont le parcours serpentait les routes des Noës et de Vauville.

Le temps des mutations : des traditions à sauvegarder

Avec l’exode rural et la transformation du mode de vie dans les années 1960-1980, la fête communale vacille, puis se réinvente. L’organisation passe du comité paroissial à la toute jeune association « Fêtes et Loisirs de Branville » créée en 1981 — une structure toujours active aujourd’hui. On assiste alors à une double volonté :

  • Préserver : Les éléments immuables, comme le repas du dimanche, la messe d’action de grâce, la tombola « des paniers garnis ». Certains stands — la pêche à la ligne, la buvette associative — s’inscrivent dans le paysage de génération en génération.
  • Innover : Introduction des « jeux normands » (tir à la corde, lancer de bottes de foin) ou des concours de confitures et de gâteaux, ouverts à tous. Dans les années 1990, l’arrivée du karaoké, de la brocante de la fête et du fameux concours du plus beau costume fait entrer un vent de nouveauté.

L’arrivée de nouveaux habitants du Cotentin, dès les années 2000, atténue la chute démographique locale (INSEE : 176 habitants à Branville-Hague en 2021 contre 162 en 1999) et rajeunit le public. Les enfants, désormais moteurs de l’événement, redéfinissent les priorités : plus de jeux pour petits, spectacles de clowns et crêpes à volonté, aux côtés de mamans organisatrices qui, chaque année, font la magie du jour J.

Portraits et figures : ceux qui font la fête

Derrière l’animation discrète, il y a ces visages familiers qui, chaque saison, prennent la fête à bras-le-corps. Quelques voix se détachent :

  • Jean-Paul Rihouey, maire pendant près de trois décennies, fidèle à la tradition qui ouvre chaque édition par un bref discours autour de la fontaine du village.
  • L’équipe « Fêtes et Loisirs », 12 membres bénévoles — pas un de moins — qui, du jeudi à l’aube du lundi, se relaient pour monter barnum, cuire saucisses, poser banderoles et, jusqu’aux dernières heures, assurer le rangement sans un mot plus haut que l’autre.
  • Léa et Mathis, frère et sœur, rois du chamboule-tout : chaque année, ils s’entraînent chez leur grand-mère pour gagner la peluche du stand, qui trône fièrement dans la vitrine du salon familial.

Les souvenirs de ces anonymes sont la chair vive de la fête : la pluie torrentielle de 2008, sous laquelle on a dansé jusque tard ; l’édition 2013, saluée par La Presse de la Manche pour sa « convivialité hors du temps » (La Presse de la Manche).

L’agenda d’une tradition : déroulé, rites et temps forts

La fête s’étend typiquement sur deux jours, le week-end du troisième dimanche de juillet :

  1. Samedi soir : apéritif d’accueil (cidre local et jus de pomme), suivi d’un concours amical de belote pour lancer le week-end.
  2. Dimanche :
    • Messe ou temps de recueillement au petit matin.
    • Ouverture de la fête à 10h : stands, brocante, jeux pour enfants, tombola et buvette.
    • Repas champêtre à midi sous le chapiteau, avec chaque année des plats de saison : agneau grillé, gratin dauphinois, plateaux de fromages et tartes faites maison.
    • Après-midi : jeux traditionnels (course en sac, jeux de palets, quilles normandes), animation musicale ou bal dansant pour clôturer l’événement.

Des singularités persistent, comme la bénédiction des paniers garnis, la rituelle photo de groupe des habitants et « la couronne aux enfants sages », héritage d’anciennes pratiques villageoises.

Une fête, miroir d’une commune en mouvement

Si la fête de Branville-Hague n’égale pas en taille les carnavals urbains ni la foire historique de Brix, elle demeure une vitrine précieuse de la vie communale rurale dans la Hague. L’événement s’inscrit dans la cartographie sentimentale d’un territoire encore à taille humaine, où l’on se reconnaît au détour d’un stand ou d’un bal improvisé. Il fédère les générations, cultive une identité locale et, surtout, rappelle l’importance des liens tissés dans les ravines, les hameaux, les places enherbées.

Au fil des décennies, la fête communale s’est adaptée sans jamais perdre de vue son essence : réunir, célébrer, transmettre. Entre mémoire vivante et création collective, Branville-Hague offre chaque été le goût rare d’un temps partagé, fidèle à son histoire et ouvert à demain.

Ressources et liens pour aller plus loin

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