Lignes de vie et battements d’hier à aujourd’hui : Branville-Hague, un village en mouvement

25/08/2025

Qui est donc Branville-Hague ? Un dessin sur la carte, et dans les cœurs

Pour commencer, donnons à voir Branville-Hague autrement que sur une carte IGN. C’est un village du nord-ouest du Cotentin, tout à l’ouest de la commune nouvelle de La Hague, posée entre mer et bocage (INSEE, code commune : 50072). Avant la fusion de 2017, Branville-Hague ne comptait guère plus de 400 habitants selon le recensement. Son histoire ? Celle d’un bourg rural typique de la Hague, attaché à ses murets de grès, habité par des familles d’agriculteurs, de marins, d’ouvriers du site nucléaire voisin (la Hague) mais aussi, de plus en plus, par de nouveaux venus. Les chiffres bruts disent peu de la vie. Voyons ce qu’ils racontent, au fil des recensements et des rencontres.

Population : photographie des chiffres, nuances des visages

2000-2021 : Lents effritements, lueurs de stabilité

  • En 2007, Branville-Hague comptait 410 habitants (source : INSEE).
  • En 2012, ils étaient 406.
  • En 2017 (année de la fusion avec d’autres villages pour former la commune nouvelle de La Hague), le chiffre officiel était de 401 résidents permanents.
  • En 2021 – dernier chiffre disponible – on dénombre 393 habitants (source : INSEE, recensement population légale).

Sur vingt ans, le déclin reste modéré (-4,1% entre 2001 et 2021), contrastant avec la chute plus marquée observée dans d’autres villages ruraux. Mais la tendance se confirme : chaque recensement grignote quelques anciens, sans toujours gagner assez de nouveaux visages pour compenser. La baisse paraît contenue, mais elle murmure quand même le rétrécissement du cercle, lentement mais sûrement.

Quand la fusion redistribue les cartes

Depuis 2017, la population de Branville-Hague se fond dans le grand ensemble de La Hague, forte de 11 486 habitants au dernier recensement (INSEE 2021). Branville-Hague y pèse désormais moins de 4% du total. L’appartenance à la nouvelle commune change peu la sociabilité locale, mais complique parfois la lecture des statistiques “à l’ancienne” par village. Pourtant, localement, l’identité demeure vive et les histoires s’échangent encore à l’échelle du périmètre originel.

Portraits statistiques : jeunesse, vitalité, solitudes distillées

  • Âge médian : En 2019, il atteignait 47 ans sur le secteur de la Hague (INSEE). Un chiffre au-delà de la moyenne nationale (41,1 ans), témoin d’une population vieillissante malgré l’arrivée de familles rajeunissantes.
  • Structures des ménages :
    • Près de 75% sont constitués de couples, souvent sans enfant à domicile.
    • Le nombre de personnes seules – majoritairement des femmes âgées – augmente discrètement chaque année.
  • Naissances : Entre 2015 et 2020, le nombre d’enfants inscrits à l’école primaire de secteur tourne autour de 24 à 26 élèves selon la mairie.
  • Migrations résidentielles : La population mobile représente environ 8% des ménages annuellement : voisinage plus fluctuant que dans les décennies passées (source : INSEE, “mobilité des ménages” 2018-2022).

La silhouette de Branville-Hague s’affine. On y devine l’âge, la mémoire, quelques rides et des sourires neufs – parfois timides, venus d’ailleurs.

Entre ancrage et mouvements : quels visages derrière les chiffres ?

Des familles qui s’accrochent, des retraités qui s’installent

L’histoire de Branville-Hague se nourrissait jadis d’une vitalité rurale : la taille des fermes, les cris des enfants dans la cour de l’école, les épiceries de hameau. Si la dynamique agricole a perdu de sa superbe (moins de six exploitations recensées aujourd’hui, contre quatorze il y a trente ans, source : Chambre d’Agriculture Manche), le village regagne parfois en attractivité quand des familles venues de Cherbourg ou plus loin viennent poser leurs valises entre mer et haies. Mais la part de la population âgée continue de progresser : près d’un tiers des habitants a dépassé les 65 ans. Beaucoup s’installent pour une retraite tranquille, séduits par la promesse de la Hague et de son air iodé. Ce contraste dessine une population à deux vitesses, qui questionne l’avenir du tissu local (animations, services de proximité, maintien des commerces…).

Les nouveaux visages : “néo-ruraux”, télétravailleurs et résidents secondaires

  • Le télétravail séduit. Depuis la crise sanitaire, une poignée de familles – ingénieurs ou travailleurs indépendants, la plupart originaires de l’agglomération cherbourgeoise – choisit Branville-Hague pour son calme, tout en restant connectés. Cela reste marginal, mais plus visible qu’avant 2020.
  • Selon les chiffres du cadastre, les résidences secondaires représentent aujourd’hui 24% du parc immobilier contre 19% il y a dix ans.
  • Ces maisons rouvrent leurs volets le week-end et en été, apportant une vitalité saisonnière, de nouvelles têtes sur les sentiers, mais une vie de village parfois hachée hors saison (source : Observatoire de la Manche).

Naissances, départs, retours : le bal silencieux des déménagements

Il n’y a pas de gare à Branville-Hague. Pourtant, on discerne, année après année, le passage des familles, des jeunes tentés par la ville, des retraités en quête d’un dernier port d’attache. Quelques tendances se dessinent :

  • Départs des jeunes adultes : Comme dans tant de villages, la majorité des 18-25 ans quitte Branville-Hague pour les études (le lycée de Valognes, l’IUT à Cherbourg, les universités plus lointaines). Rares sont ceux qui reviennent s’installer après 30 ans.
  • Retours périodiques : Les réveillons, les mariages, les deuils sont autant de moments de retrouvailles. Un habitant sur six (16%) – selon une enquête municipale de 2020 – revient régulièrement le temps d’un week-end ou d’un séjour familial, mais reste domicilié ailleurs.

La dynamique reste fragile : peu de nouveaux arrivants annuels, le solde migratoire reste négatif mais moins marqué que dans certains hameaux plus isolés du bocage. Ce “taux de renouvellement” modéré contribue à conserver une âme villageoise, où, reconnaît-on, les visages changent moins qu’ailleurs.

Facteurs d’évolution : ce qui fait (ou freine) venir à Branville-Hague

  • Emploi : La proximité immédiate du site nucléaire d’Orano La Hague (employant plus de 5 000 personnes sur la presqu’île) continue d’offrir un bassin d’emploi à moins de 15 minutes en voiture. Nombre de salariés préfèrent cependant s’installer à Beaumont-Hague ou Auderville, villages plus « centraux » : la croissance démographique de Branville-Hague ne profite que partiellement de ce vivier.
  • Équipements et services : La disparition de la dernière épicerie en 2018 et la mutualisation croissante des écoles, puis des services communaux depuis 2017, ont restreint l’autonomie du village. Plusieurs habitants pointent le manque de commerces comme frein à l’installation de familles.
  • Qualité de vie : Silence, vue sur la mer, voisinage solidaire : éléments qui, à l’inverse, séduisent de nouveaux venus en quête de ruralité et d’espace. Les initiatives associatives (randonnées, fêtes communales, ateliers culturels) entretiennent la flamme, même si les organisateurs vieillissent souvent avec le public.
  • Prix de l’immobilier : Encore abordable : maison ancienne à rénover autour de 1 400 €/m² en 2023 selon Notaires de France, moitié moins qu’à Cherbourg. Un atout, mais aussi une limite : difficulté à vendre oblige parfois à patienter plusieurs années pour attirer de jeunes propriétaires.

Regards croisés : Branville-Hague, miroir de la Hague et du Cotentin ?

La relative stabilité démographique de Branville-Hague, malgré une faible érosion et un vieillissement certain, contraste avec certains villages « hors radar » de la Hague, qui ont vu leur population chuter d’un tiers depuis 1990 (source : INSEE, recensements 1990-2021). Mais la tendance globale dans le Cotentin rural reste la même : déclin, vieillissement, augmentation du nombre de résidences secondaires et mobilité croissante. L’enracinement y cohabite avec une douce instabilité, où chaque nouveau voisin devient rapidement “du pays”, tant les réseaux restent à taille humaine.

Période Habitants (Branville-Hague) Résidences secondaires (%) Âge médian (années)
2000 413 16% 41
2010 407 19% 45
2020 393 24% 47

Sources : INSEE, Observatoire Résidentiel Manche, Chambre d’Agriculture Manche, Mairie de La Hague, Notaires de France.

Un village, à l’écoute du temps et des promesses

Branville-Hague ne cesse d’épouser les rythmes du Cotentin : des matins rugueux balayés par le vent, puis des soirs où les cheminées fument et où la lumière s’attarde sur les murs. Ici, la population bouge peu, mais chaque départ ou arrivée pèse, anime les conversations, façonne de nouveaux équilibres. L’avenir s’annonce riche en défis : redynamiser les services, accueillir jeunes familles et artisans, perpétuer des traditions tout en s’ouvrant doucement à ceux qui choisissent, par conviction ou hasard, de bâtir ici autre chose qu’une simple retraite. Et sous les chiffres, il y a toujours ces voix, ces présences minuscules et tenaces, qui font que Branville-Hague, même plus discrète, reste un village vivant.

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